2005

Le regard de l'Islam sur la famille

Mohammed Amin Al-Midani

La famille est considérée, en Islam, comme le noyau de la Communauté musulmane. Le droit de la famille musulmane avait ses sources exclusives dans les règles de la Shari'a ou droit musulman (1). Ces règles protègent l'unité, l'honneur et la cohésion de cette famille. Chaque atteinte à celle-ci est sanctionnée par le droit pénal musulman (2), afin d'écarter toute menace qui puisse troubler la santé, les mœurs et les bons comportements de ses membres.

Les règles de la Shari'a ont régi, dans le monde musulman, le statut de cette famille pendant plusieurs siècles. Plusieurs mouvements avaient tenté, à la fin du XIXe siècle et au début du XX siècles, de promulguer des codes modernes de la famille, surtout à l'époque de l'Empire Ottoman (3). Mais le vrai mouvement de codification a commencé dans les pays arabes, après l'indépendance de ces pays et au cours des années 50 (4). Un projet unifié a été établi sous l'égide de la Ligue des Etats arabes (5).

Cette étude sera basée essentiellement sur les règles de la Shari'a sans négliger de mentionner, de temps en temps, les dispositions de ces codes arabes du statut personnel, car les sources de ceux-ci sont toujours: le Coran et la Sunna (6). Les efforts personnels (Idjtihad) de jurisconsultes musulmans anciens ou modernes, qui ont développé les règles de la Shari'a, font partie intégrante de ses sources (7).

Force est de constater que les législateurs musulmans contemporains essayent d'apporter aux règles traditionnelles de la Shari'a des modifications et des corrections sans toucher pourtant, à l'essence de ces règles afin de limiter leurs applications «jugées les plus anachroniques» en ce qui concerne, principalement, la polygamie et la répudiation (8).

Nous ne pouvons que nous réjouir de toute tentative qui consiste à donner à l'Islam et à ses principes leur vrai visage d'amour et de bonté, et de montrer la tolérance de ses enseignements et leur respect de la dignité humaine (9).

Nous allons examiner, dans cet article, les règles de la Shari'a qui traitent du statut de la famille en Islam (I) et nous analyserons, ensuite, les différentes relations au sein de cette famille (II).

I. Le statut de la famille musulmane

Les règles du droit musulman régissent le statut de la famille musulmane et ses différentes institutions.

Mais avant d'examiner ces règles, un aperçu rapide de la situation de la femme à la période antérieure à l'avènement de l'Islam, surtout en Arabie, s'impose. La femme arabe à l'époque pré-islamique (djahiliya) était dans une position inférieure par rapport à l'homme et elle était privée de ses droits. La femme n'était qu'une chose qui fait l'objet d'une vente et qui se transmet par succession. Elle n'héritait pas, parce qu'elle était considérée comme faible et ne possédant aucun moyen de se défendre elle-même ou de défendre sa tribu. Elle ne pouvait pas choisir son mari (10) et elle n'avait aucun droit sur lui. Sa dote n'était considérée qu'en fonction du prix qu'elle voulait. Le nombre de femmes avec qui l'homme pourrait se marier n'était pas limité. Il n'y avait également aucune règle concernant le nombre de divorces qui pouvaient frapper la femme. La seule chose dont la femme était fière à cette époque était la protection que lui assurait l'homme à elle-même et à son honneur, allant jusqu'à venger tout ce qui pouvait atteindre cet honneur. Avec le message de l'Islam, le Prophète Mohammed substituait à cette situation tragique «un régime beaucoup favorable à la femme».

A. Le mariage

Le mariage en islam est un contrat et une institution. Un contrat «bilatéral, basé sur le libre consentement des deux parties contractantes». C'est un acte juridique dont la validité n'est pas limitée à une période déterminée, mais qui n'a pas non plus le caractère « d'une liaison sacramentelle définitive».

Le mariage musulman est une institution qui se manifeste par une communauté intime qui contribue à préserver l'humanité par les enfants qui naissent.

Les fondements du mariage musulman sont:

  1. Les deux parties et leur consentement réciproque.
  2. La dote (mahr).
  3. La puissance paternelle (wilaya).
  4. La présence des témoins.
  5. L'objet du contrat de mariage.
  6. La formalité du mariage (al-sigha).

B. La polygamie

La polygamie est une institution légale en droit musulman. Dans le Coran, on lit: «..., eh bien prenez des épouses, par deux, par trois, par quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, -mais, si vous craignez de n'être pas justes, alors une seule,...». Cette référence claire est la seule que l'on retrouve dans le Coran au sujet de la polygamie.

Ce verset du Coran permet d'épouser jusqu'à quatre femmes sans l'imposer pour autant (11). Il insiste sur la nécessité d'être juste avec ses femmes sinon l'homme ne doit pas épouser plus d'une femme. Toutefois, on ne doit pas aller jusqu'à l'annulation du contrat de mariage dans ce dernier cas.

Les jurisconsultes musulmans sont unanimes pour que «la justice» dans ce verset signifie la justice matérielle c'est-à-dire la possibilité financière du mari d'entretenir ses épouses (logement, nourriture, habillement, etc...).

Un autre verset du Coran parle de la justice entre les femmes: «Vous ne pouvez être parfaitement équitables à l'égard de chacune de vos femmes, même si vous en avez le désir. Ne soyez donc pas trop partiaux et ne laissez pas l'une d'entre elles comme en suspens» (12).

La justice dans ce cas est la justice «de cœur»: l'amour de l'homme envers ses femmes. Notre créateur sait qu'il est impossible à l'homme d'aimer toutes ses femmes de la même façon même s'il a essayé de le faire.

La tradition du Prophète Mohammed montrait que faire la justice «de cœur» entre plusieurs femmes est une chose impossible. Un jour, le Prophète a dit en s'adressant à son Seigneur: «Mon Dieu, ceci est mon partage (Qasm) dans ce qui est de mon pouvoir (je possède). Ne me reprochez pas pour ce qui est ton pouvoir et non pas du mien» (13).

Dès lors, d'une part, il est impossible de faire la justice «de cœur» entre plusieurs femmes. D'autre part, il est difficile à l'homme d'appliquer la justice matérielle entre elles (14).

Toutes ces difficultés permettent aux juristes musulmans de nos jours de parler de l'institution de la polygamie comme «une exception» (15) qui a été tolérée par une nécessité (16).

Nous aussi, nous sommes de l'avis de ces juristes car à l'heure actuelle les difficultés économiques et sociales dans le monde musulman, n'encouragent pas les hommes à épouser plus d'une femme. Les besoins quotidiens ne permettent aux musulmans aucun partage de ses efforts entre plusieurs foyers. Ses responsabilités envers sa femme, ses enfants et sa famille, en général, épuisent ses efforts et son temps. Pour ces raisons, on parle aujourd'hui d'une «réelle régression» de la polygamie (17).

D'autre part, la réglementation actuelle de la polygamie dans le monde arabe grâce aux codes modernes du statut personnel, permet de dire que la pratique de la polygamie est difficile compte tenu de l'exigence d'une autorisation du juge national pour contracter un deuxième mariage (18).

Une question se pose maintenant: quelles sont les raisons ou les motifs qui justifient l'existence de l'institution de la polygamie en Islam?

Nous pouvons citer quelques raisons déjà citées par quelques spécialistes du droit musulman, qui sont les suivantes:

  1. Dans le cas d'une femme stérile, la polygamie permet au mari de cette femme d'épouser une autre pour assurer sa postérité sans devoir recourir à l'adoption d'enfants des autres.
  2. Lorsqu'une femme est atteinte d'une maladie incurable et que son mari ne peut pas s'approcher d'elle, la polygamie lui permet d'épouser une deuxième femme pour satisfaire ses besoins sexuels sans abandonner sa première femme. Si l'institution de polygamie n'existait pas le mari serait tenter de commettre l'adultère.
  3. Après chaque guerre, le nombre de femmes est toujours plus élevé que celui des hommes. La polygamie permet d'établir l'équilibre nécessaire en assurant un taux élevé de natalité. Les historiens de guerres nous ont montré comment les Etats, qu'ils sortent vainqueurs ou vaincus, ont cherché à assurer cet équilibre et à augmenter le taux de natalité. En Allemagne, après la deuxième guerre mondiale, il y avait des partisans d'une polygamie restreinte à deux femmes (19).
  4. Dans certaines situations, la capacité sexuelle de l'homme est plus forte que celle de la femme. La polygamie permet alors à l'homme de ne pas souffrir de cette situation.

En tolérant l'existence de la polygamie, l'Islam n'a pas inventé une institution nouvelle, et ne l'a pas encouragé non plus (20). Les anciennes civilisations l'ont connue et différentes religions l'ont tolérée (21).

C. Le divorce

Une autre particularité du droit musulman est la légitimité du divorce. Le divorce, en Islam, est «l'acte licite le plus détesté d Allah» disait le Prophète Mohammed (22). Et, il a dit aussi: «Mariez vous et ne divorcez pas car le divorce fait secouer le Trône» (23). Le divorce est le dernier recours avant la dissolution de la vie conjugale.

La question qui se pose, maintenant, est de savoir pourquoi le divorce a été accordé seulement aux hommes?

Le mari paye la dot et supporte la charge d'entretenir sa femme, ses enfants et le foyer, ce qui relève de ses responsabilités. Alors du point de vue économique et financière, c'est le mari qui dépense toujours dans cette institution du mariage. Par ailleurs, certains affirment que l'homme peut contrôler ses émotions et ses réactions mieux que la femme ce qui l'empêche de prononcer le divorce pour une simple dispute ou une crise de colère (24).

D'autre part, le droit de divorce accordé à l'homme n'est pas exclusif car la femme peut exiger lors de la conclusion du contrat de mariage ou après cette conclusion et pendant la vie conjugale (25) que ce droit lui soit également reconnu (26) ou elle peut tomber d'accord avec son mari pour qu'il divorce en renonçant à sa dot à terme ce qu'on appelle en droit musulman (al-Khal). Et d'après la majorité des jurisconsultes musulmans, la femme comme l'homme peuvent s'adresser au juge pour demander le divorce si le conjoint est atteint d'une maladie sexuelle ou d'un défaut physique ou mental (27). La femme peut également demander le divorce d'après les rites malikite et hanbalite, si le mari est absent pendant longtemps ou s'il est en prison (28).

Enfin, le droit musulman a permis à l'homme d'accorder à sa femme, lors de sa vie conjugale, le droit de divorce quand elle veut (29) ce qui montre que le divorce n'a pas un droit exclusif de l'homme.

II. Les relations au sein de la famille musulmane

Pour comprendre le sens des relations au sein de la famille musulmane, il faut savoir que la notion de la famille en Islam est une notion large. Ainsi, la famille musulmane n'est pas constituée seulement de deux époux et de leurs enfants mais aussi des grands-mères et grands-pères maternels et paternels, des tantes et des oncles et de leurs enfants et de tous les proches et de leurs enfants (30). Et, pour illustrer les bonnes relations entrent par exemple les proches même s'il n'y a pas de lien direct de parenté, le Prophète a dit: «Que celui qui aime vivre dans l'aisance et retarder l'heure de sa mort maintienne le lien de parenté» (31).

Mais deux sortes de relations attirent particulièrement notre attention. Ce sont les relations entre les époux (A) et les relations parents et enfants (B).

A. Les relations entre les époux

L'un des aspects qui caractérise le mieux les rapports au sein de la famille musulmane est la relation entre les époux.

On lit dans le Coran: «Parmi ses Signes: il a créé pour vous, tirées de vous, des épouses, afin que vous reposiez auprès d'elles, et il a établi l'amour et la bonté entre vous» (32).

Le Prophète a dit à ses compagnons: «Le meilleur parmi vous est celui qui est le bon à l'égard de sa femme, et je suis mieux que vous envers mes femmes. Seul l'homme noble de nature honore et traite bien les femmes, et seul l'infâme les dédaigne» (33).

Ces relations sont caractérisées par des droits et devoirs de l'un comme pour l'autre.

1. Droits et devoirs de la femme musulmane

Les droits de la femme musulmane et ses devoirs l'ont mise, dans la plupart des cas, sur un pied d'égalité avec l'homme.

a) Droits de la femme musulmane

La femme musulmane en tant qu'être humain a tous les droits relatifs à la personne humaine. Le droit à la vie et au respect de la dignité humaine est le premiers droit de la femme en Islam.

La femme musulmane a toujours la capacité juridique. Elle peut gérer ses propres affaires à partir de sa majorité. Quand elle se marie, l'un des fondements du contrat de mariage est la dot. La somme d'argent qu'elle peut garder ou dépenser sans que personne n'ait le droit d'y toucher. Et, elle peut stipuler dans le contrat de mariage toutes les clauses qui peuvent améliorer sa situation (34).

La femme musulmane ne perd pas sa capacité juridique ni son nom de famille par le mariage, ce qui lui permet de contracter et de faire des actes de commerce. La capacité de jouir de ses biens n'est pas soumise à l'autorisation de son mari, car ses biens sont toujours séparés de ceux de son mari.

Le mari doit être patient avec sa femme et lui pardonner ses fautes. Dieu a dit: «Comportez-vous envers elles suivants les coutumes» (35). Le Prophète a ordonné aux musulmans «Ayez de bons sentiments à l'égard des femmes» (36).

D'autre part, la femme musulmane a des droits conjugaux vis-à-vis de son mari. Dieu a dit: «Les femmes ont des droits équivalents à leurs obligations, et conformément à l'usage. Les hommes ont cependant une prééminence sur elles» (37). Cette dernière phrase (les hommes ont une prééminence sur elles), AL-TABARI (38), l'interprétait par le soulagement ou la consolation que le mari doit pratiquer envers sa femme (39).

Enfin, si la garde des enfants ainsi que leur éducation concernent les deux parents, la mère a la priorité, lors du mariage ou en cas de divorce, de garder les enfants mâles et femelles compte tenu des sentiments de patience, de tendresse et de pitié qu'elle possède.

b) Devoirs envers sa famille

La femme musulmane doit obéir, en dehors de tout ce qui peut engendrer la colère de Dieu, à son mari qui doit la respecter tant qu'elle lui obéit car Dieu a dit: «Mais ne leur cherchez plus querelle, si elles vous obéissent» (40). Le Prophète a dit: «Parmi toutes les personnes, c'est à son mari que la femme doit le plus et à sa mère que l'homme doit le plus» (41).

La femme musulmane doit veiller sur l'éducation de ses enfants avec qui elle passe la plupart de son temps. Et elle est la souveraine de sa maison qui doit être lieu de bonheur et d'amour grâce à elle.

2. Droits et devoirs de l'époux musulman

L'époux musulman a aussi ses droits et ses devoirs envers sa famille et ses membres.

a) Droits de l'époux musulman

L'Islam considère l'époux comme le chef de famille musulmane et le premier responsable de ses membres. La femme et les enfants doivent obéir à l'homme mais à une condition, cette obéissance ne doit pas être contraire aux principes de l'Islam ou à ses enseignements.

Obéissance et respect sont les premiers droits de cet époux au sein de sa famille. Le Prophète a dit: «Quiconque des femmes qui meurt et dont le mari est satisfait d'elle entrera au paradis» (42).

b) Devoirs de l'époux musulman envers sa famille

L'époux doit être patient avec sa femme et lui pardonner ses simples fautes. Le Prophète Mohammed a ordonné aux musulmans: «Soyez donc bienveillants à l'égard des femmes» (43). Et, lors de son dernier pèlerinage à la Mecque en 632 après J.C., il a dit: « O peuple, quant à vos femmes, elles ont un droit sur vous, et vous, vous avez un droit sur elles. Craignez donc Dieu en ce qui concerne les femmes, et assurez leur le meilleur traitement».

D'autre part, le mari doit satisfaire les besoins matériels et sexuels de sa femme. Cette dernière peut demander le divorce si son mari refuse «de remplir ses devoirs conjugaux, s'il exerce sur elle quelque tyrannie érotique» (44). C'est lui également qui est chargé d'entretenir sa femme, ses enfants et sa maison. Et le Prophète Mohammed a répondu à un homme qui lui demandait: «Quels sont les droits de l'épouse à l'égard de son mari?». Il lui a dit: «Tu la nourris de ce que tu te nourris, tu l'habilles de ce que tu t'habilles, tu ne la gifles jamais, tu ne la grondes (blâmes) jamais et tu ne dois jamais l'abandonner et tu ne te sépares d'elle que pour la laisser s'occuper tranquillement de son foyer» (45). Et les jurisconsultes musulmans sont unanimes concernant le devoir du mari d'employer quelqu'un pour servir sa femme si elle avait l'habitude chez ses parents d'être servie par quelqu'un.

Enfin, si le mari a plus d'une femme, il doit être juste envers elles et partager ses nuits avec elles. Et le Prophète donnait toujours de bons exemples, durant toute sa vie, comme le rapportaient sa femme (Aicha). Elle a dit: «Quand il se trouvait seul avec ses femmes, il était le plus tendre des hommes, et le plus généreux, riant et souriant» (46).

B. Les relations parents et enfants

Nous pouvons distinguer entre les relations qui doivent caractériser le comportement des parents avec leurs enfants d'une part et la position des enfants envers leurs parents, d'autre part.

1. Les comportements des parents avec leurs enfants

Le Coran a commencé par interdire certaines coutumes pré-islamiques comme l'enfouissement des filles dans la poussière ou de préférer les garçons aux filles. On lit: «Lorsqu'on annonce à l'un d'eux la naissance d'une fille, son visage s'assombrit, il suffoque, il se tient à l'écart, loin des gens, à cause du malheur qu'on lui a annoncé. Va-t-il conserver cette enfant, malgré sa honte, ou bien l'en fouira-t-il dans la poussière? leur jugement n'est-il pas détestable?» (47). Et le Prophète Mohammed a dit: «Ne haïssez pas les filles car elles sont les affables et les chères amies» (48). Il donnait l'exemple aux musulmans par son attitude envers ses filles et comment doit être leur comportement vis-à-vis d'elles (49). Il a dit: «N'importe quel homme disposant d'une fille lui a assuré une bonne instruction en même temps qu'une bonne éducation, puis l'a donnée en mariage sera au paradis» (50). Ainsi, l'éducation des enfants occupe une importante place parmi les préoccupations quotidiennes des parents. Cette éducation comprend plusieurs aspects: intellectuel, physique, spirituel et social.

Les parents doivent être équitables envers leurs enfants, les combler d'amour et de tendresse. Le Prophète a dit: «Craignez Dieu et soyez équitables envers vos enfants» (51). Le père doit veiller aussi sur leur éducation intellectuelle, physique et spirituelle.

D'autre part, le devoir d'éduquer les enfants est partagé entre le père et la mère, mais l'Islam a chargé cette dernière de veiller, en premier, sur l'éducation de ses enfants avec qui elle passe, comme nous l'avons souligné, la plupart de son temps.

2. La position des enfants envers leurs parents

Le Coran enseigne aux musulmans comment doit être leur comportement vis-à-vis de leurs parents et surtout leurs mères: «Nous avons recommandé à l'homme, au sujet de ses parents: sa mère l'a porté extrêmement faible et il a été sevré au bout de deux ans. Sois reconnaissant envers moi et envers tes parents!» (52). Ou encore: «Nous avons recommandé à l'homme la bonté envers son père sa mère. Sa mère l'a porté et l'a enfanté avec peine. Depuis le moment où elle l'a conçu, jusqu'à l'époque de son sevrage, trente mois se sont écoulés. Quand il a atteint sa maturité, qu'il a atteint l'âge de quarante ans, il dit: «Mon Seigneur! Permets-moi de te remercier pour les bienfaits que tu as accordés à moi-même et à mes parents, et de faire le bien qui te plaît. Accord-moi une heureuse descendance. Je reviens vers toi» (53). Et, le Prophète a dit: «Quiconque satisfait ses père et mère satisfera Dieu, et quiconque courrouce ses père et mère courroucera Dieu» (54).

Le Prophète insistait, par ses hadith, sur la grande place de la mère dans la communauté musulmane et comment l'obéissance à la mère n'est qu'une obéissance à Dieu. Il a dit: «Le Paradis même se trouve sous les pieds de vos mères» (55). Dès lors, nous voyons l'importance de l'obéissance à la mère ce qui correspond à son important rôle dans cette communauté musulmane.

Cette obéissance doit aussi être manifestée à l'égard du père qui ne ménage pas ses efforts pour le bien-être de sa famille. Le Prophète a dit: «L'obéissance à Dieu (équivaut à) l'obéissance au père, et la désobéissance à Dieu est la désobéissance au père» (56).

Conclusion

En guise de conclusion, nous voulons insister, encore une fois, sur l'importance accordée par l'Islam à la famille. L'abondance des règles de la Shari'a qui traitent de son statut et le respect qui doit dominer entre les relations de ces différents membres, pas seulement époux, parents et enfants, mais aussi grands-parents, oncles, tantes et d'autres proches, témoignent de la grande place de la famille au sein de la communauté musulmane.

Mais aujourd'hui les juristes et les jurisconsultes musulmans sont appelés à réfléchir sur le rôle de (l'Ijtihad), pour porter des remèdes à la situation de la famille musulmane et surtout à la situation de la femme musulmane au sein de cette famille. La femme musulmane a souffert et souffre toujours du non-respect, de la persécution et de la non-égalité avec l'homme dans plusieurs domaines. Pourtant, les versets du Coran et les hadiths du Prophète Muhammad ont insisté à maintes reprises sur la dignité de la femme, le respect que doivent témoigner vis-à-vis d'elle ses parents, son mari, ses enfants et ses proches. L'adoption des nouveaux codes du statut personnel surtout dans les Etats arabes doit être l'occasion d'améliorer la situation de la femme musulmane, de lui accorder ses droits, montrer sa vraie et importante place au sein de sa famille en particulier et au sein de la Communauté musulmane, en général.

Enfin, cette importance accordée à la famille musulmane ne signifie pas que les familles d'autres confessions étaient négligées par les règles de la Shari'a. Le respect de la famille, de son honneur et de sa cohésion est recommandée par ces règles au-delà de toutes croyances ou religions. Ainsi, les propres règles de fiançailles, de mariage et de divorce - s'il est permis - ou de la pension alimentaire, etc... des différentes communautés chrétiennes au juives sont applicables aux membres de ces communautés. Ces différentes règles figurent aujourd'hui dans plusieurs codes du statut personnel des pays arabes (57).


Notes

(1) Voir en ce qui concerne la Shari'a et ses sources notre article: «La famille musulmane et la Shari'a» in Le droit de la famille en Europe, son évolution depuis l'antiquité jusqu'à nos jours. Actes des journées internationales d'histoire en droit. Presse Universitaires de Strasbourg, 1992, pp. 29 et s.

(2) Voir en ce qui concerne le droit pénal musulman, MAYDANI (R) «Uqubat: Penal Law» in Law in the Middle East. Vol. I. Origin and development of Islamic Law. The Middle East Institute, Washington, D. C., 1955, pp. 223-235. Plus récent, AWADI (A), Le système pénal islamique comparé aux systèmes contemporains de droit positif, Beyrouth, (S. L.),1985.

(3) NASIR (J J), The Islamic Law of Personal Status, Grahem and Trotman, Oxford, 1986, pp. 27 et s.

(4) JAHEL (S), «La famille musulmane dans les codes arabes», Cahiers de l'Orient, nº 27, 1992, p. 167.

(5) Voir ce projet, NASIR, op. cit., pp. 260 et s.

(6) C'est la tradition du Prophète Mohammed.

(7) Voir en ce qui concerne (l'Idjtihad) son rôle et son développement, ainsi que les différentes écoles de (Fiqh), notre Thèse pour le Doctorat d'Etat en droit public: Les apports islamiques au développement du droit international des droits de l'homme, Strasbourg, octobre 1987, pp. 27 et s.

(8) JAHEL, op. cit., p. 170.

(9) Il faut souligner ici que les coutumes, la pratique patriarcale et tribale, dans le monde islamique, et qui n'ont rien à voir avec les enseignements et les principes de l'Islam, ont changé, influencé et modifié, dans le mauvais sens, les règles de la Shari'a en condamnant la femme musulmane à une position inférieure et injuste au sein de la société musulmane.

(10) FAHMY (M.), La condition de la femme dans la tradition et l'évolution de l'islamisme, Paris, Libraire Félix ALCAN, 1913, p. 63.

(11) HAMIDULLAH, op. cit., p.153.

(12) Le Coran. Introduction, traduction et notes par D. MASSON, Paris, Gallimard, 1967. Sourate «Les femmes», (chapitre 4), verset 129.

(13) EL-JARRAH (CH.), La formation du mariage en droit musulman classique et dans le nouveau code syrien du statut personnel, Thèse d'Etat, Paris, 1962, p.78.

(14) AL-MUNADJAJID (S.), Le concept de justice sociale en Islam ou la société islamique à l'ombre de la justice. Traduit de l'arabe et annoté par Mohammed HADJ SADOK, Parsi, Publisud, 1982, p. 36.

(15) HAMIDULLAH, op. cit., p. 153.

(16) AL-TRMANINI (A). Zawadj 'nda larab fi djahiliyya wa lislam. Dirasa mukarana. (Le mariage chez les arabes à l'époque pré-islamique et à l'époque islamique. Etude comparée). Revue (alam al ma'rifa), nº 80, août 1984, Koweit, p. 249 (en langue arabe).

(17) JAHEL, op. cit., p.182.

(18) C'est le cas, par exemple, des codes du statut personnel en Irak (art.3, para.4), et en Syrie (art.17).

(19) AL-SIBAI, op. cit., p. 75 et p. 83

(20) SANTUCCI (R.), «Le regard de l'Islam» in L'Islam et Droits de l'Homme. Paris, Librairie des Libertés, 1984, p. 175.

(21) ABU-SAHLIEH (S. A.), Les Musulmans face aux droits de l'homme, religion, droit et politique. Etude et documents. Verlag Dr. Dieter Winkier, Sochum.1994, p. 167.

(22) AL-MUNADJDJID, op. cit., p. 61.

(23) Cité par AL-HACHIMI (A.), Recueil des hadiths Prophétiques et des sagesses Mahométanes. Traduit en Français par Fawzi CHAASAN, Beyrouth, Dar Al Kitab Al Ilmyah, 1991 p. 125.

(24) AL-SIBAI, op. cit., pp. 129-130.

(25) ABU ZAHRA (M.), Tansim 1-Islam ll-mujtma' (L'Islam organise la société), Le Caire, Dar al fikr al 'arabi, (sans date), p.97, (en langue arabe).

(26) AL-TRMANINI, op. cit., pp. 306-307.

(27) AL-SABUNI (A.), Sharh Kanun al. ahwal ash-shakhsiyya assuri. (Commentaire du statut personnel syrien), Damas, Université de Damas, 1971-1972, Tome 1, p. 94 (en langue arabe).

(28) Ibid. p. 85.

(29) ABU ZAHRA, op. cit., p.97

(30) Ibid. p.62.

(31) Cité par AL-HACHIMI, op. cit., p.309.

(32) Le Coran. Sourate, «Les Romains» (chapitre 30), verset 21.

(33) Cité par AL-HACHIMI, op. cit., p. 159.

(34) JAHEL, op. cit., p.174.

(35) Le Coran, sourate «Les femmes». (chapitre 4), verset 19.

(36) EL BOUKARI, L'authentique tradition musulmane. Choix de hadiths. Traduction, introduction et notes par G.-H.. BOUSQUET, Paris Fasquelle Editeur, 1964, p.280.

(37) Le Coran, sourate «La vache». (chapitre 2). Verset 228.

(38) AL-TABARI Muhammad, un grand jurisconsulte et historien musulman (224-310 h.) (839-923 après J.-C.).

(39) MUSTAFA (A), al Usra, fi lislam ard am linzarn ai usra fi daw al Kitab wa al Sunna (Le statut de la famille à la lumière du Coran et Sunna), Le Caire, Maktbat al Mutanbbi, 1972, p.53. (en langue arabe).

(40) Le Coran, sourate «Les femmes», (chapitre 4), verset 34.

(41) Cité par AL-HACHIMI, op. cit., p. 53.

(42) Cité par AL-HACHIMI op. cit., p.105.

(43) Ibid., p.46.

(44) LAHBASI (M. A.), Le personnalisme musulman, Paris, P.U.F, 1964, p. 75

(45) Cité par EL-JARRAH, op. cit., p. 87.

(46) Cité par AL-HACHIMI, op. cit., p.259.

(47) Le Coran, sourate, «Les abeilles», (chapitre 16), versets 58 et 59.

(48) Cité par AL-HACHIMI, op. cit., p.360.

(49) ABDUL-RAUF (M.). The Islamic view of women and family. Robert Speller and Sons, Publishers Inc., New York, 1977. p. 26.

(50) Cité par, SAMMARI (M. S. R.), «Réflexion sur la condition de la femme en droit musulman». Revue Juridique et Politique. Indépendance et coopération. Tome 28, 11, 1977, p. 552.

(51) Cité par AL-HACHIMI, op. cit., p. 187.

(52) Le Coran, sourate «Luqman», (chapitre 31), verset 14.

(53) Le Coran, sourate «AL-Ahcaf», (chapitre 46), verset 15.

(54) Cité par AL-HACHIMI, op. cit., p.314.

(55) HAMIDULLAH, op. cit., p. 143.

(56) Cité par AL-HACHIMI, op. cit., p. 208.

(57) Par exemple, art. 308 du code syrien du statut personnel de 1953, l'art. 8 de la loi égyptienne no 462 de 1955.