2005

Qu'est-ce qu'une tyrannie élective?

Hamadi Redissi (*)

Les armoiries de la république

En 1989, au mois de septembre, une loi qui passa inaperçue dans l'euphorie déplacée du 7 novembre 1987, date de l'accession de l'actuel chef de l'État à la magistrature suprême, rétablit la devise de la république dans l'ordre prévu par l'article 4 de la constitution: liberté, ordre et justice. La chose a de quoi surprendre. En fait, en 1963, la première assemblée ordinaire élue en 1959 et dans laquelle siégeaient 42 députés sur 90 de l'assemblée nationale constituante, acceptèrent sans rechigner, un léger déplacement - mais combien signifiant, de la devise sur banderole or avec inscription noire: ordre, liberté et justice. Par la même, cette loi reconfigure et allège les armoiries de la république. Elle supprime les deux lances et bannières entrecroisés, les gerbes d'épis et de rameaux d'olivier et surtout la couronne murale, toutes reliques des armoiries du royaume de Tunisie, mais qu'on a maintenues entre 1956 et 1963. Pour comprendre cet épisode, il faut se rappeler que Bourguiba, alors qu'il ne fut que premier ministre du Bey, impose au Bey, un décret portant le sceau du Bey, en date 21 juin 1956, qui modifie les armoiries du royaume dans un sens de compromis mi-républicain, mi-monarchique. La proclamation de la république le 25 juillet 1957 maintient les armoiries des deux régimes. La constitution du 1er juin 1959, en son article 4 confie à la loi le soin de fixer les conditions des armoiries, se contentant de définir le drapeau national et d'énoncer la devise de la république: liberté, ordre et justice. La loi de 1963 renverse l'ordre de présentation et la loi de 1989 le rétablit. Il est heureux de constater que l'actuel chef de l'État n'a pas succombé à l'envie de tripoter les emblèmes de la république. L'eut-il voulu qu'il l'aurait fait! Une loi a simplement unifié les dimensions du drapeau national, datant du 19e siècle, rouge en son milieu, un cercle blanc où figure une étoile en cinq branches entourée d'un croissant rouge. Mais tout de même, le rouge a tendance parfois à virer au mauve - une couleur il est vrai élégante, mais la couleur préférée du président, et parfois, le rouge coexiste avec le mauve.

Nous avons, à travers cette hyperbole sémiologique, tous les ingrédients du système politique tunisien: il n'est pas véritablement une république, ni non plus une monarchie; une constitution qui affirme des principes, mais qui confie à la loi le soin de fixer les modalités pratiques, sauf que la loi déroge aux principes; les lois, presque toutes les lois, sont prises à l'initiative de l'exécutif, le parlement, simple chambre d'enregistrement, dominé par le parti au pouvoir, approuve dans une passivité exemplaire les décisions de l'exécutif, tenu par le président de la République. C'est cette chambre qui vient d'approuver le "projet de loi constitutionnelle portant modification de certaines dispositions de la constitution" (1). Cependant, ce que est nouveau est le recours au peuple. Bourguiba s'en méfiait suffisamment pour le tenir en suspicion: foule informe et inculte, il n'en exaltait la ferveur qu'à des fins de mobilisation autour de sa personne, presque contraint. Cette fois-ci le peuple est convoqué sous le mot d'ordre: "la volonté du peuple prime sur toute autre", ou "nous avons voulu que le peuple ait le dernier mot"... La surenchère sur la vox populi prend des proportions alarmantes quand l'un des ministres, faisant référence à un fragment de l'article premier, affirme, sans ambages, que "un seul principe ne peut être amendé: la Tunisie est un pays libre, indépendant et souverain" (2), omettant sciemment le reste de l'article qui dit que "sa religion est l'islam, sa langue est l'arabe et son régime est la république". Le peuple étant ainsi au dessus du droit, il est possible qu'on change la devise de la république, même de république - on le prétend -, voire de régime politique!

Je voudrais placer cette réforme dans l'histoire constitutionnelle de la Tunisie, montrer en quoi elle accentue des traits préexistants, où elle innove et examiner, ce faisant, la nature de ce régime politique. Ma thèse est alors la suivante: le pouvoir d'un seul (1), irresponsable (2), à espérance de vie (3), plébiscité par tous (4), si bien qu'il apparaît proprement comme inclassable, mais je hasarde la catégorie de tyrannie élective (5).

1. Le pouvoir d'un seul

La nouvelle réforme qui vient d'être promulguéerenforce le pouvoir d'un seul. La constitution de 1959, dont la stabilité n'a d'égal que les nombreuses distorsions dont elle a fait l'objet, institue le principe formel de la séparation des pouvoirs. Mais, dès 1959, le dispositif constitutionnel était perverti par des techniques dérogatoires aux principes de l'État de droit, les modifications ultérieures n'ayant fait qu'aggraver les illégalismes de droit et de fait. C'est ainsi qu'elle institue un régime présidentialiste, auréolé par le magistère charismatique de Bourguiba, déséquilibré au profit de l'exécutif, nettement supérieur au législatif, dont il partage, grâce à un privilège régalien, l'initiative des projets de lois, les projets du président étant prioritaire (art. 28), sans compter la possibilité d'intervenir dans le domaine législatif, par le procédé des décrets-lois (art. 28 & 31). Elle consacre la dépendance organique du pouvoir judiciaire, les magistrats étant amovibles, dépendants du parquet et les membres du conseil supérieur de la magistrature tous nommés par l'exécutif.

Or, les deux révisions dont il a la paternité, en 1988 et en 1997, loin de corriger les anomalies les ont amplifiées: le pouvoir d'un seul s'est doublement renforcé, au détriment du premier ministre et du parlement. En 1988, au détriment du premier ministre auquel on a retiré certaines compétences notamment celle de disposer de l'administration et de la force publique. En 1997, l'exécutif a rogné encore plus sur les compétences du législatif. En effet, la détermination du domaine respectif de la loi et du règlement est une question classique du droit constitutionnel: ou bien la loi a un domaine assigné dont elle ne sort guère ou bien elle a un domaine réservé, protégé de l'intervention de l'exécutif, mais non limité par principe. La chose étant admise de droit et de fait jusqu'à la révision du 27 octobre 1997. Celle-ci tranche le débat: le pouvoir réglementaire dispose d'une compétence générale et de principe tandis que le pouvoir législatif ne dispose que de compétences d'attributions assignées et limitativement énumérées (art. 35-36). L'ordre juridique est ainsi renversé: on est passé d'une définition formelle de la loi à une définition matérielle, d'un domaine législatif illimité à un domaine limité et de la hiérarchie juridiquement "verticale", où le pouvoir législatif est hiérarchiquement supérieur à la hiérarchie asymétrique, au profit de l'exécutif, laquelle est constitutive de l'État néo-patrimonial.

L'actuelle réforme de 2002 a retiré au législatif la compétence de ratifier les traités, sauf dans des cas limitativement énumérés (art. 32). Elle affaiblit encore plus la chambre des députés, supposée être élue directement, en la doublant par une deuxième chambre dite de Conseillers, élue indirectement, dont on peut s'interroger légitimement sur son utilité. On sait qu'une deuxième chambre n'est pas une hérésie quand l'État est fédéral, ou une monarchie constitutionnelle ou même dans un État unitaire comme la France, où le bicaméralisme a pour but de tempérer une tradition révolutionnaire profondément parlementariste. Ce n'est pas le cas en Tunisie où l'idéologie républicaine fut obsédée par l'unité du peuple: le premier projet d'une monarchie constitutionnelle du 9/01/1957 avait prévu une deuxième chambre dite assemblée consultative (majlis choura), mais le second projet de 1958, instituant un régime présidentiel a exclu cette possibilité liée à la monarchie. L'actuelle réforme renoue donc avec la monarchie constitutionnelle, sauf qu'à la différence du projet initial, les membres ne sont pas seulement élus par les conseils régionaux et les collectivités locales (art. 64 du projet 1957), mais choisis au tiers: un tiers élu par les collectivités locales, un tiers par les organisations nationales (UGTT, UNAT, UTICA, mais non L'UNFT, pourtant quatrième organisation nationle); le reste désigné par le Président lui-même!

Le Conseil Constitutionnel, institué en 1987, chargé du contrôle de la constitutionnalité n'est pas une juridiction constitutionnelle, indépendante du pouvoir, exerçant ses attributions par voie d'action ou d'exception, et disposant de l'autorité de la chose jugée. Composé de neuf membres tous désignés directement ou indirectement par le Chef de l'État qui dispose de la compétence exclusive de la saisine, le conseil exerce un contrôle a priori sur les projets de loi, avant leur soumission ou leur adoption définitive par le parlement; ses décisions prennent la forme d'avis, communiquées sous le sceau du secret au chef de l'État. Certes, elles s'imposent aux pouvoirs publics, mais dans des matières énumérativement limitées et toujours à l'avantage de l'exécutif.La réforme actuelle ne fait que lui adjoindre le contentieux électoral et transfère en sa faveur les compétences de validation de la candidature du chef de l'État qui revenaient auparavant à une commission de validation. On peut se demander qu'est-ce qui empêche le président d'instituer un véritable contrôle de légalité des lois, d'autant plus légitime que le dit contrôle s'exerce sur le législatif et non contre l'exécutif? La réponse est simple: la quasi-totalité des projets de lois étant à l'initiative de l'exécutif, le pouvoir exécutif est le véritable législateur.

De cette manière Ben Ali parachève par des artifices juridique l'hypertrophie de la fonction présidentielle et ce, en soumettant totalement l'État et de ses organes à sa personne, quelque chose en germe dans l'État légal de Bourguiba. Ce dernier se déchargeait sur son premier ministre qui a pris l'habitude de présider le conseil des ministres, une fois par semaine. D'après le témoignage de Tahar Belkhodja, Chedly Klibi, un moment voulait étoffer le staff présidentiel par des conseillers, ce à quoi Bourguiba s'est opposé, rappelant à Klibi qui pensait bien faire, que Bourguiba travaillait avec des ministres en charge des dossiers clefs. Ben Ali réunit le plus souvent des conseils ministres restreints pour gérer lui même les affaires de l'État. Il est fort connu que tout émane de lui et lui revient, des grandes choses aux choses simples de la vie courante. Il a doublé le gouvernement par une myriade de conseils consultatifs qu'il préside, une administration présidentielle pléthorique où des conseillers donnent les directives à leur doublure gouvernementale et administrative, dans la pure logique des relations asymétriques au sein de l'État.

Une question se pose alors d'autant plus légitimement que le président est chef de l'État, chef du gouvernement et chef du parti quasi-unique ou dominant selon qu'on est pessimiste ou optimiste: pourquoi cet appétit orgiaque de pouvoirs? Hobbes en a percé le mystère, bien avant Marx, de l'accumulation du pouvoir, de la gloire, de commodités, de plaisirs, de louange et d'admiration: "la félicité est une continuelle marche en avant du désir... Ainsi je mets au premier rang, à titre d'inclination générale de toute l'humanité, un désir perpétuel et sans trêve d'acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu'à la mort". La cause, dit-il, en est la crainte d'être dépossédé du pouvoir et qu'on ne peut conjurer qu'en "acquérant davantage, le pouvoir et les moyens dont dépend le bien-être qu'on possède présentement" (3).

2. Irresponsable

Le chef de l'État est irresponsable politiquement. En 1976, une réforme constitutionnelle semble rééquilibrer les pouvoirs dans un sens parlementaire en instituant un exécutif d'apparence bicéphale (chef de l'État et gouvernement dirigé par un premier ministre) et des moyens d'actions réciproques entre exécutif et législatif dont la panoplie va de la coopération aux moyens d'actions extrêmes (droit de dissolution au profit du chef de l'État contre motion de censure de la chambre des députés). Il s'agissait de responsabilité politique, mais il s'agirait d'une fiction: on s'attendait que le parlement, expression du parti unique, qu'il censurât le gouvernement!

La révision de 1997, a fait en sorte que le chef de l'État, contre toute attente, ne démissionne plus si un conflit prolongé l'opposait au parlement. Il accepte simplement la démission du gouvernement (art.63). Il était admis auparavant que le président devait démissionner devant un tel cas de figure, à telle enseigne qu'on pouvait penser à une dérogation à la présidence à vie.

L'actuelle révision institue l'irresponsabilité pénale: "le président de la République bénéficie d'une immunité juridictionnelle durant l'exercice de son mandat... et après en ce qui concerne les actes qu'il a accomplis à l'occasion de l'exercice de son mandat" (art.41). Ce qui a été considéré comme choquant est l'immunité après la fin de l'exercice de ses fonctions. Bien que personnellement, comme tous ceux qui sont attachés à une transition pacifique, je partage le point de vue du Dr Marsouki qui avait proposé le départ du chef de l'État conditionné par une immunité négociée, la rédaction de l'article n'exclut pas que le chef de l'État puisse être traduit en justice. Il appartiendra au juge de déterminer, quels sont les actes privés ou publics qui sont en rapport ou qui ne sont pas sans rapport avec l'exercice de ses fonctions.

Je voudrais rappeler que la question de la responsabilité pénale du chef de l'État pour trahison ou abus de pouvoir à des fins d'enrichissement illicite a fait l'objet d'un débat dans la constituante. Le projet d'une monarchie constitutionnelle (1957) a accordé l'immunité au roi et aux membres du gouvernement, sauf en cas de délit, crimes et haute trahison (art.79 & 94). Le second projet républicain (1958), a institué la responsabilité pour haute trahison du chef de l'État et membres du gouvernement (art. 90). Une Haute cour a été instituée à cet effet (art. 100-104). Le député Hédi Bouslama a considéré qu'inscrire la responsabilité du chef de l'État pour trahison, est une "chose abjecte" (amr bacha'). Le député Ahmed Ben Salah, cheville ouvrière de la constituante, marqua son étonnement de voir figurer un tel article non examiné par la commission spéciale chargée de la rédaction de la constitution. L'ironie de l'histoire voudra que plus tard il sera déféré devant la dite cour pour haute trahison une fois que sa compétence fut réduite à examiner "la haute trahison perpétrée par un membre du gouvernement". Sollicité le rapporteur, pensant bien faire en suivant l'exemple des démocraties (art.2, sect.4 de la constitution américaine et 68 de la constitution française) résiste. En dépit de l'opposition de Mahmoud Materi, souffre-douleur de Bourguiba qui ne lui a jamais pardonné d'avoir été le premier président du néo-destour en 1938, l'article a été supprimé, les discussions ayant été renvoyées à l'examen de l'article 100 (4). Ce dernier fixait la composition de la haute cour. On épilogua sur la nature juridique de la haute trahison et la composition de la cour. On passe au vote pour savoir si on doit mentionner "la responsabilité du président et des ministres". A la surprise générale, le vote est favorable. Alors on remet le vote en cause et après palabres, on vote une deuxième fois contre et on renvoie l'article de nouveau à la commission pour une nouvelle rédaction (5). Une version édulcorée qui élague la référence au président et ministres sera adoptée lors de l'examen des révisions opérées par la commission, en deuxième et troisième lecture (6). Curieusement, la version définitive de la constitution mentionne la haute trahison perpétrée par un membre du gouvernement, mais guère celle du président (art. 68)!

De même, la question de l'abus d'autorité à des fins d'enrichissement a été abordé, aussi bien relativement aux occupations incompatibles avec la fonction de député qui ne devait pas acheter, louer, vendre ou obtenir, au cours de son mandat, des revenus de ses biens à l'État (art. 41), la même interdiction frappant le président de la République et les membres du gouvernement qui ne devaient pas, en plus, soumissionner aux engagements et aux appels d'offre qu'effectue l'administration ou les entreprises dépendantes ou contrôlées par l'État, comme ils ne peuvent pas être membres de conseils d'administration de toute entreprise (art. 79). Les constituants étaient outrés: comment imaginer que des "gens honnêtes, mus par de nobles sentiments patriotiques" puissent abuser de leur position comme il en fut lors de la période révolue? (7). Bahi Ladgham, homme d'une grande probité, a été aussi franc qu'à son habitude: cette disposition porte atteinte à la moralité du chef de l'État et de ses ministres dans un régime désormais immunisé des maux de la corruption et de la concussion du système colonial (8). Finalement, et à la satisfaction générale, les deux articles ont été supprimés de la version définitive de la constitution, les sceptiques ayant été rassurés que le problème pourrait être réglé par la loi portant règlement intérieur de l'assemblée ou une loi spéciale.

Mais tout de même, la république, morale en son essence, constitue une rupture par rapport à l'ordre précolonial. Non seulement, elle distingue entre le patrimoine privé et public, mais encore, en abolissant la monarchie, elle liquide ce que le souverain avait de sacré en sa personne. On le voit donc, dans cette affaire comme en toute autre, la réforme de 2004, va à contre-courant de l'histoire propre de la Tunisie. Irresponsable politiquement, irresponsable pénalement, le président risque de devenir irresponsable! Livré à sa seule conscience morale, il est comme disait Hegel à propos du prince oriental, le seul à être libre!

3. À espérance de vie

Dans la version initiale de la constitution de 1959, le président n'est pas rééligible plus de trois fois consécutives. Conformément à l'article 40 (39 nouveau) qui limite la réélection du chef de l'État à trois mandats successifs, Bourguiba s'est présenté à quatre consultations: 1959, 1964, 1969, 1974. Bourguiba, au comble du narcissisme, oublie sa propre protestation contre la proposition lors des débats de la constituante tendant à inscrire son nom dans la constitution et son engagement moral de ne pas succomber à la tentation du pouvoir. Il exprime alors sa volonté de bénéficier d'une présidence à vie viagère, entérinée par l'assemblée, qui transforme le quatrième mandat, entamé en 1974, en une présidence à vie par l'adoption, le 18 mars 1975, d'une loi en ce sens, conformément à la sémiotique d'usage dans "l'allégresse, à l'unanimité, à main levée, sans opposition, ni abstention, debout, scandant son nom, chantant l'hymne national, sous un tonnerre d'applaudissements". Elle modifie l'alinéa 2 de l'article 40, eu égard à la dette que la nation doit à sa qualification charismatique: libérateur, unificateur et fondateur (9). Libérateur, est-il dit dans la loi, le combattant suprême, "a libéré le peuple tunisien du colonialisme", unificateur, il en a fait "une nation unie", fondateur, il construit "un État libre, indépendant, moderne et jouissant de la plénitude de sa souveraineté" (10). Et, en considération des services rendus par un homme d'exception, l'assemblée le proclama, à titre exceptionnel, président à vie d'une république qui a perdu peut-être depuis longtemps, mais sûrement ce jour là, jusqu'à son nom. Mais à y réfléchir de près, le vers était dans le fruit: Jallouli Farès, président de la Constituante, le jour de la proclamation de la République, le 25 juillet 1957, s'adressa en ces termes à qui sera plus tard son fossoyeur comme pour le suppléer de condescendre à accepter qu'il soit le président de la république: "je demande à Monsieur Bourguiba: accepte-t-il ou non qu'il ne nous abandonne pas et que nous n'abandonnerons jamais tant qu'il demeure et que nous demeurons en vie?"

Hédi Nouira, maître d'oeuvre de la révision de 1976 et successeur automatique de Bourguiba en cas de décès, empêchement ou démission (art.57), et comme pour anticiper un avenir, qui eût pu être le sien, mais qui nous rattrape, modifie l'article 39 (alinéa 3) dans le sens du mandat illimité: le président est rééligible.

L'accession de Ben Ali au pouvoir s'est faite, entre autres sur la promesse de restaurer, est-il dit dans la déclaration du 7/11/87, "l'idée républicaine qui confère aux institutions toute leur plénitude". Les deux articles 57 et 40 sont modifiés par la loi du 25/07/1988 dans un sens effectivement républicain et conformément aux engagements du nouveau président, comme cela a été rapporté par l'exposé des motifs, le rapport de la sous-commission chargée d'examiner le projet de révision et les interventions du premier ministre, Hédi Baccouche, devant les députés qui a tenu, pour sa part, à insister sur ce qu'il a appelé "la dimension démocratique et républicaine" du "changement du 7 novembre", date de l'accession de Ben Ali au pouvoir (11). Le président, lui-même a proposé, dans un geste qui se révèle être aujourd'hui plus proche de la dissipation que de la magnanimité, de limiter le nombre à trois plutôt que quatre. A l'unanimité la révision a été votée à tel point qu'une généreuse proposition suggérée obscurément par le député Ali Grioui de conférer à Ben Ali, en guise de soutien "un mandat présidentiel immédiatement" est passée inaperçue (12).

Comme Bourguiba, Ben Ali a épuisé son quota d'éligibilité. Il s'est présenté pour un premier mandat en 1989, puis successivement en 1994 et en 1999. C'est alors que le syndrome monarchique s'est, de nouveau, emparé du Palais: un mauvais génie susurre à l'oreille du Prince pour lui suggérer le mal radical: gommer le reliquat républicain.

Si on veut affiner l'analyse Bourguiba n'a pas institué la présidence à vie, mais il s'était fait proclamer, à titre exceptionnel, président à vie, puisque l'article 39 n'a pas été abrogé, mais dont l'application est "suspendu" et reportée à plus tard. Ben Ali fait, de même, mais autrement: en optant pour le mandat illimité, il renoue avec l'esprit Hédi Nouira; en posant, en 1988, comme condition à la magistrature que le candidat soit de père, de mère, de grands-pères paternel maternel, tous de nationalité tunisienne, sans discontinuités, il avait disqualifié Habib Bouguiba Jr; et en repoussant maintenant à 75 ans l'âge maximum d'éligibilité du candidat à la présidence, initialement fixé à 70 ans en 1988, probablement pour disqualifier, à l'avenir, les vieux routiers de la politique (Ahmed Mestiri notamment), Ben Ali, âgé de 68 ans, livre la présidence au hasard de la biologie, faisant de la présidence de la république une présidence à espérance de vie.

En revanche, les éventuels candidats à la magistrature sont en stand-by car la réforme n'aborde pas les nouvelles conditions qu'ils doivent remplir. L'article 40 maintient la présentation de la candidature par un certain nombre de députés ou des présidents de municipalité conformément à la loi électorale, laquelle, en son article 66, le fixe à trente. Cette condition avait été introduite en 1976, suite à la candidature de Chedly Zouiten, à qui il faut rendre hommage pour s'être exposé en s'opposant à la candidature unique de Bourguiba, en 1974. En 1999, et après s'être présenté deux fois sans concurrent, une révision dérogatoire de l'article 40 de la constitution supplée le parrainage, en assouplissant les conditions: à titre exceptionnel, seuls les secrétaires généraux de parti depuis cinq ans, ayant des représentants dans le parlement et âgé au plus de 70 ans pouvait concourir. La condition de députation devait exclure Néjib Chabbi, secrétaire général du Rassemblement Démocratique Progressiste, et celle de l'âge Mohamed Harmel, celui du parti Tajdîd (renouveau). Or, la "deuxième république" dont on fait grand cas, laisse les choses en l'état: le jour de la présentation du projet devant la Chambre de Députés, le 11 février, le Chef de l'État, dans son discours annonce déjà une prochaine révision de l'article 40, à "présenter", a-t-il dit "en temps utile"!

4. Plébiscité par tous

Ce qu'un Prince peut faire, il peut le défaire. Par un amendement déjà prospectif, en 1997, Ben Ali s'est donné toute latitude de réviser l'article 39 par deux procédés: soit, la révision ordinaire (art. 76), soit, doubler l'approbation par deux, et ce, par une révision soumise au référendum après adoption du projet de révision par la chambre en une seule lecture (art. 77). A côté de ce référendum dit constitutionnel, la révision de 1997 introduit le référendum législatif et consultatif: le chef de l'État peut court-circuiter l'apparenté organe de la représentation nationale pour se retrouver seul en face du peuple, en soumettant "directement au référendum les projets de lois ayant une importance nationale ou les questions touchant à l'intérêt supérieur du pays" (art. 47).Variation donc sur un même thème: entre musique de chambre (art. 76), chambre et orchestre (art. 77) et carnaval populaire (art. 47), le Caudillo peut improviser la composition de son choix.

Là aussi, l'histoire constitutionnelle est fort instructive. La question a été soulevée sur le point de savoir si le peuple peut, directement et par voie référendaire, réviser la constitution (art. 111 de la constitution républicaine): les députés les plus en vue (13), ont plaidé pour l'abrogation de cet article et ce pour deux raisons: la crainte que le vote populaire n'aille jusqu'à abroger la forme républicaine du régime, et le principe que le régime tunisien est de nature représentative, la souveraineté étant déposée dans le parlement. Finalement, on a opté pour une révision selon une procédure spéciale et à majorité renforcée (aux 2/3), afin de protéger la constitution à la fois de l'égarement populaire et de la tentation de modifier la constitution, en catimini. Cette majorité renforcé a été allégée à la majorité absolue en 1997.

Sans doute, le référendum est-il une technique démocratique, dite semi-directe, mais destiné à diminuer les pouvoirs d'une assemblée forte et souveraine, ce qui n'est pas le cas en Tunisie. Le chef de l'État est seul juge d'opportunité de l'initiative et du contenu du référendum, et sans contrôle, même pas hypothétique du conseil constitutionnel, celui-ci ne pouvant émettre son avis sur l'initiative de révision (art. 75). Le référendum doit poser une question simple et non une multitude de questions. Celle qu'on pose au peuple le 26 mai est d'apparence innocente: "êtes-vous d'accord sur le projet de loi constitutionnelle relative à l'amendement de certaines dispositions de la constitution, adoptées par la chambre des députés, lors de la séance plénière du 2 avril 2002 et publiée au journal officiel de la République?". On a seulement omis de dire que les dites dispositions, réparties en quatre volets, (droits humains, institution d'une deuxième chambre, contrôle de la constitutionnalité des lois, et système de l'élection présidentielle) portent sur pas moins de 38 articles (21 par abrogation, 21 par suppression ou ajout de quelques alinéas), c'est à dire, plus de la moitié des 78 dispositions de la constitution. Dans ces conditions, tous les constitutionnalistes savent que le propre d'un référendum est de porter sur une question. Or, là, il plébiscite l'homme en question. Et dans quelles conditions! Les partis politiques disposent de trois à cinq minutes de radio et de télévision, plus une minute par député (14). Le RDP (Rassemblement Démocratique Progressiste) qui en a fait la demande, dans les délais, a été éconduit eu égard à son hostilité au référendum. Le pouvoir a poussé l'indélicatesse jusqu'à assimiler le "non" au référendum à la peste puisque la couleur de l'enveloppe contenant le bulletin de refus est noire, réservant le blanc au "oui", qu'on imagine déjà indiscutablement massif. La conférence nationale démocratique relative à laconstitution réunie à Tunis, le 12 mai 2002 ne s'y est pas trompée: "le référendum d'un peuple privé de liberté est une falsification de la volonté populaire". En effet, la distinction entre référendum et plébiscite est loin de couvrir une distinction plus essentielle: l'opposition entre le populisme et le droit. D'une part, le peuple est souverain, mais d'autre part, la loi est supérieure. Le risque de la suprématie de la loi est le légalisme tandis que le risque du populisme est l'exaltation de la foule, de la masse et de la roture qui ont, historiquement, débouché sur la tyrannie et le fascisme. Le référendum tunisien accumule les deux inconvénients: le populisme et le légalisme.

Finalement, Ben Ali aura été le Brutus qui asséna le coup fatal à César, et Antoine, qui prononce l'éloge funèbre de la république. Ainsi est-on passé de l'enthousiasme républicain à un monarchisme déguisé et honteux lequel, non seulement n'avoue pas son nom, mais encore, n'a même pas réussi à s'inventer un mode convenable de transmission du pouvoir: entre le principe électoral et le principe dynastique, la république est depuis longtemps le jouet d'obscures intriguants qui se prennent pour de talentueux Talleyrand, une smala de parvenus tellement surpris par un rang qu'ils convoquent périodiquement des charlatans pour les en convaincre, une liste de fonctionnaires Makhzen qui ont transformé la noblesse du politique en une charge à vie, une sorte de lizma (affermage d'impôt) républicaine, et de dangereux aventuriers, dans l'attente du grand soir.

5. Inclassable

Le régime politique est devenu méconnaissable. Il ressemble confusément à ce dont parlait déjà Robespierre, le 31 juillet 1791, devant le club des jacobins: "qu'est-ce que la constitution française actuelle? C'est une république avec un monarque. Elle n'est donc point monarchie, ni une république, elle est l'une et l'autre".

A ce niveau, la métaphore des armoiries de la république est parlante. Ce n'est pas une monarchie puisque le pouvoir ne s'y transmet pas par hérédité, à moins d'imaginer le parti-État comme une dynastie qui confère le poste de "stratège à vie" à un des siens qui sait le prendre; mais non plus une république, dès lors que la magistrature suprême est une charge perpétuelle, non révocable. Ce n'est pas ce "royaume électif où l'on remet aux rois la puissance souveraine pour un temps" dont a parlé Hobbes dans la République d'institution, créé par un pacte entre les sujets et le souverain (15); ni enfin, non plus la "monarchie républicaine" dont a parlé Duverger où on confie à un président, tout de même bien élu, celui de la cinquième république, les pouvoirs d'un monarque.

Méconnaissable, mais peut-être pas inclassable. Au coeur du débat: le statut de la république. Elle signifie trois choses. Au sens restrictif, une forme de gouvernement et pour paraphraser Gambetta, d'une forme qui emporte le fond, soit abolir la monarchie afin de détruire tout ce qui s'oppose à la république. Celle-ci dépose la chose publique dans le peuple qui, désormais, en dispose, en élisant ses représentants notamment le chef de l'État, directement ou indirectement, d'une manière précaire et par alternance (16). De ce point de vue, la Tunisie n'a peut-être jamais été une république. Et ici, la protestation de mon collègue Hichem Moussa qui dit que la Tunisie n'a plus de constitution depuis la présidence à vie de Bourguiba a quelque légitimité. Mais ce sens est récent: il date de la révolution américaine et française.

En fait, le sens de la république est plus large. Ensuite, donc, tout type d'État, indifféremment de la forme de gouvernement, pourvu que l'État soit légitime et régi par des lois: cela semble aujourd'hui inadmissible, mais la république a longtemps été considérée comme compatible avec trois variétés de régime: l'aristocratie, la démocratie et la monarchie, à condition qu'elle soit limitée par le droit (17). Des latins aux Modernes (18). C'est en ce sens que Rome, puis des cités-États comme Venise, Florence, enfin, plus près de nous, l'Angleterre, la Hollande ou la Pologne ont été considérées comme des républiques. Mais aussi le Tunis du XVII e siècle qui fut décrite, en 1666, par le Chevalier d'arvieux, envoyé du Roi en Orient comme "une république à laquelle on donne le nom de Royaume comme on le donne à celle de Pologne" (19). La qualification a de quoi surprendre. En fait, elle correspond à l'État de l'époque, détenue par quatre puissances en conflit, à parti de 1574 quand la Tunisie devint une province ottomane. Le première puissance est celle du Pacha, délégué de la Sublime Porte, au rôle administratif (assurer l'ordre, lever l'impôt, verser la solde des janissaires). Il était assisté par une seconde puissance, le Divan, une assemblée unique composée de près de cinquante membres appartenant à la hiérarchie militaire de la milice des janissaires, dirigée par le supérieur, l'Agha; ils étaient tous recrutés par roulement en fonction du service actif, l'Agha lui-même étant désigné à titre temporaire et selon un mode chevaleresque, au point qu'on a pu parler de "quasi-démocratie militaire" (20). Outre sa fonction consultative auprès du Pacha et du Dey, le Divan rend la justice, reçoit les envoyés diplomatiques et signe les traités en tant que partie contractante. En 1591, la troisième puissance fait son entrée: le Dey, promu par la milice, il supplante le Pacha, et s'institue gouverneur de la province: le Pacha est alors, représentant symbolique du Sultan ottoman, un peu comme "le Dogue de Gènes" ne pouvant sortir de chez lui sans la permission du Dey, lequel "est réellement le chef de la république", son mandat rappelant "le principat romain" (21). Enfin, la quatrième puissance est celle du Bey. Instituée dès l'annexion de la province, sa charge initiale consiste à diriger la colonne militaire afin de lever l'impôt dans l'arrière pays. Et c'est de cette fonction subalterne que naîtra progressivement la monarchie absolue transformant la république militaire en un pouvoir héréditaire. En effet, grâce à son pouvoir militaire et son contact avec le pays profond, les tribus et les notables locaux, le Bey s'émancipe, par la violence et les intrigues, des janissaires et des Deys, formant d'abord une dynastie mouradite au XVII laquelle est finalement supplantée par la dynastie husseinite qui a régné en Tunisie du XVIII e au XX e siècle (1705-1957) (22). La Tunisie devient alors une monarchie absolue, une "royauté barbare", un régime qu'Aristote dit correspondre à "la tyrannie par excellence dans laquelle un homme commande sans rendre compte à ses semblables et à de meilleurs que lui à son avantage et non celui des gouvernés" (23).

La république institue un État légal, mais non un État de droit. L'État légal est régi par le droit positif, alors que dans un État de droit, les droits subjectifs sont antérieurs à l'association politique et l'État obéit lui-même au droit, faisant fond sur la liberté, qui lui est supérieur. L'État tunisien correspond à ce que les Allemands appellent Machtsstaät (État de la puissance) ou de police (Polizeistaät), et non un État de droit (Rechtsstaät). Les libertés-droits s'apparentent à des libertés-créances: elles sont garanties dans les limites de la loi qui les limite, les nie et les criminalisent. Le volet relatif aux libertés ne sort pas de ce cadre. Il étatise même le patriotisme en surchargeant l'article 15 par le devoir de "défendre le pays et son indépendance", confondant ainsi le nationalisme qui est un fait d'allégeance à l'État avec la loyauté au régime et celle ci à celui-là: le patriotisme, qui est une vertu privée, un libre sentiment d'allégeance devient un devoir public. A ce patriotisme ethnique, il faut opposer ce que Habermas appelle "le patriotisme constitutionnel", c'est à dire la seule allégeance au droit. Il est humiliant de remarquer que ce sont les militants des droits humains qui sont visés, ceux-ci, de simples individus, n'appartiennent, à ce qu'on sache, ni aux services de douane, ni aux services secrets, ni à l'armée pour que leur loyalisme fasse l'objet d'une sollicitude constitutionnelle!

Alors, s'il n'est pas une république au sens restrictif, ni une république obéissant au droit, le régime tunisien est-il inclassable?

Il ressemble à ce que Machiavel, dans Le Prince, oppose ainsi à la République, "monarchie civile" instituée par "le peuple ou les grands" la monarchie nouvelle, non héréditaire, un régime où un privé acquiert la principauté par ses propres armes, ses talents, la chance ou par voie "scélérate et abominable". Le régime tunisien a commencé par le talent de Bourguiba et la chance, le bakht disait-il souvent, que la Tunisie l'ait enfanté, la chance qu'il eut en France Mendès France! Ce régime finit dans la scélératesse. Hobbes appelle ce pouvoir "république d'acquisition" ou domination despotique. Et bien avant lui, Mawerdi, le théoricien du califat, au XI e siècle, avait qualifié de imarat istila' (émirat de conquête), le pouvoir conquis par les armes par opposition à l'émirat d'institution (imarat istiqfda'), déléguée par le calife. Rousseau fait la différence entre un tyran et un despote: le tyran usurpe l'autorité royale tandis que le despote usurpe le pouvoir souverain. Bourguiba aura été, dans ces conditions, un tyran qui accouche d'un despote. Son successeur, dès lors qu'il restaure la procédure plébiscitaire, apparente le régime tunisien à ce que Aristote appelle "la tyrannie élective" qui différe de la royauté barbare ou de la monarchie absolue, la tyrannie par excellence, en ce qu'elle est n'est pas héréditaire, mais légale et consentie. Oui un tyran, à l'origine est un chef du peuple, démagogue, qui est porté au pouvoir par le peuple.

Je ne voudrais pas finir cet exposé avant de parler du troisième sens de la République: il désigne depuis les Grecs, la Politeia, la cité, un vivre-ensemble politique régulé par la participation des citoyens, et qu'on appelle, maintenant la tradition républicaine par opposition à la tradition libérale, plus soucieuse des libertés négatives que de libertés positives ou de participation. Plus largement encore, la république se confond simplement avec le politique dont l'essence est de tisser le lien social, au point que tout régime qui exclut la participation de la majorité est hors politique, hors Politeia, et diversement qualifié de horde, de tyrannique ou de despotique. De Platon à John Rawls. Or, dans les Temps Modernes, le lien social est régi par des normes formelles c'est à dire la constitution. En l'absence d'une constitution respectée, le lien social risque de s'effilocher. Et dans ce cas, les individus se reportent sur la constitution sociale ou historique, en l'espèce le Coran. Il faut rendre ici hommage à la déclaration de Tunis du 11 mai qui, pour la première fois, demande une république démocratique et moderne, évitant le travers qui consiste à demander à ce que le pouvoir respecte la séparation des pouvoirs, mais que nous, nous qui demandons ce que Kant appelle une "citoyenneté cosmopolite", nous ne voudrions pas séparer l'État de la religion et que nous continuions à se prévaloir d'une "nation ethnique" dont nous payons aujourd'hui le prix de son choix initial. En ces temps de détresse, comme le dit le poète, cette déclaration garde l'espoir dans l'espérance.


Notes

*. Professeur à la Faculté de droit et de sciences politiques de Tunis.

1. JORT du 5/5/2002, année 145, nº28.

2. Sadok Chaabane, ministre de l'enseignement supérieur, La Presse, 9/5/2002.

3. Hobbes (1983): Léviathan. Paris: Sirey, chap.XI, 96.

4. Journal des débats de la constituante, séance du 23 octobre 1958.

5. Ibid, séance du 6 novembre 1958.

6. Ibid, séance du 29 Janvier 1959 & 9 février 1959 & 28 mai 1959.

7. Journal des Débats de la constituante, séance du 6 avril 1956.

8. Journal des débats de la constituante, séance du 23 octobre 1958.

9. JORT des débats, nº21, 21 mars, seizième année, deuxième lecture, séance du 18 mars 1975. La première lecture a lieu trois mois avant, le 17 décembre 1974: JORT des débats, nº8, seizième année. Pour tout commentaire désobligeant on eut droit à une intervention du député, Hassine Marghrebi, qui s'est demandé, en plénière, et à la lumière du rapport soumis par la commission aux députés s'il n'était pas inconvenant, du point constitutionnel, qu'on demandât à l'assemblée "de mettre en oeuvre la décision du congrès du parti", auquel cas, il est souhaitable qu'on dise, non la décision, mais "la résolution du parti"!

10. Le premier ministre, mais néamoins député, Hédi Nouira, a voulu rentrer dans les détails de ce rôle de batisseur hors paire, en proposant d'ajouter, à la proposition de loi "... sous la direction duquel le peuple tunisien a réalisé en un laps de temps limité et ce, dans tous les domaines, ce que n'ont pas réalisé d'autres peuples"; mais la proposition n'a pas été retenue.

11. Voir Journal des débats, nº28, du 8/03/1988; nº31, du 30/03/1988; nº44, du 12/07/1988, nº46, du 25/07/1988.

12. Journal des débats, nº31, 30/03/1988, 1613.

13. Jallouli Farès, Bahi Ladgham, Ahmed Ben Salah, Ahmed Mestiri..

14. Décret 629, du 3/4/2002, JORT, année 145, nº28.

15. Léviathan, chap. XIX, 199.

16. C'est le sens qu'en donne Le Fédéraliste, nº39, 311 & sq. Il est remarquable que le Fédéraliste conteste le caractère de ce que l'on a considéré jusque là impropremet comme des Républiques: la Hollande, Venise, la Pologne, l'Angleterre, op cit, 311.

17. Voir sur la notion, Tenzer, Nicolas (1993): La république. Paris: PUF/que sais-je? 9-35.

18. Jean Bodin au XVI e siècle est dans cette disposition d'esprit, sauf que la monarchie royale hériditaire est la meilleure des républiques (conforme à la religion, à la nature et à la justice): Goyard-Fabre, Simone (1989) Jean Bodin et le droit de la réublique. Paris: PUF, 137-157; Rousseau (1966): Du contrat social. Paris: GF, LII, chap.VI, 75...

19. Mémoires, t.4, 49-55. Cité in Kraïm, Mustapha qui publie, en annexe un fragment des mémoires: (1971): La Tunisie précoloniale. Tunis:STD, 369-370.

20. L'Agha n'était ni élu, ni nommé par le Divan. Une fois qu'il atteint le grade le plus élevé de la hiérarchie, par ancienneté, il devient Agha pour six mois, à moins qu'il décline l'emploi s'il ne s'estimait pas en mesure de maîtriser la milice, au profit d'un de ses pairs. Je dois ces indications à Bachrouch, Tawfik (1977): Formation sociale barbaresque et pouvoir à Tunis au XVII e siècle. Tunis: Publications de l'Université, 52-53.

21. D'avrieux, op cit, & Bachrouch, op cit, 51.

22. Par référence à Mourad Bey, fondateur de la dynastie mouradite d'origine corse, le dernier bey investi par le dey, en 1613. Voir sur leur déclin, Bachrouch, op cit, 193-204. La dynastie husseinite se réfère à Hussein Ben Ali, fondateur (1705-1735).

23. Les Politiques, IV, 10, 1295- a.